de temps à autre j'écris...
impromptu n°1
en corps
le sacrifice
le corps se distord sous l’effet de la chaleur
sacrifié
amour du sacrifice
la douleur
appuyer sur la douleur
qu’elle devienne plus forte en corps
jusqu’au point sublime
de venir extatique.
corps engangué
corps emmuré dans cette enveloppe
qui isole, protège,
coupe du monde.
souffrance insupportable
et nécessaire
préserve la vie
une vie faite de mort.
sacrifice sacrifié
vie sacrificielle
tenant lieu de sacré
sacrifice scarifié scarificiel
marque empreinte trace
trait
de ce don
don absurde
qui ne sert à rien
qui ne sert à personne?
sauf à vous
qui ne vivez que pour ça
qui ne vivez que par ça
attendant un retour
amour inconditionnel
jamais assez
toujours en quête
espérance
d’être à nouveau l’élu
que vous croyez avoir été
un jour.
la chute
choir
sans le croire
sans le voir
mais chute il y eut
brutale
peut-être
surement
chute assurée
en peu d’années
damnée
vous fûtes
du moins
vous le crûtes
telle fut votre vie
avec la chute
après la chute.
corps qui ondule dans le dune
au gré du vent
peut-être
en corps ondulant
fragile dans la tempête
des sens mouvants
emporté au-delà.
corps qui s’impose
là
entre vous et l’autre
flanqué
là
que rien n’advienne
rendre impossible
ce qui rendrait la vie supportable.
en corps voudrait partir
vers des horizons plus sereins
que chaque bout
(re)prenne sa place
que la délivrance se fasse
libérer le lieu
rendre libre
pour mieux courir
je sais
je ne sais où
courir sauter enjamber
vers les richesses
trop longtemps délaissées.
IC juin 2018
impromptu n°5
à propos des sculptures suspendues "paquetage de bois"
paquetage
paquetage de bois
vulgaires morceaux de ganivelle
égarés des clôtures de dunes
branches arrachées
jetées au fleuve
navigation assurée
au long cours parfois
bois qui séduit par ses courbes
ses ondulations
ses bruns jaspés
en brillance parfois
par ses torsions
qui le fait appel
parfois crucifixion
bois tachés par décoloration
de la toile qui les a protégés
paquetage
paquetage de bois
que je ficelle
des noeuds et des noeuds et des noeuds
il en faut
pour que ça tienne
bois disparates un a à un je les attache
je les lie les relie au précédent
laissant voir les marques remarquables
telles des écritures
bois creusés
par le frottement
dans des fibres trop tendres
parfois
écorces dentelées tachetées
écorces arrachées
laissant apparaître le lisse du bois
traces informelles
qui viennent de je ne sais où
je les lis les relis
que disent-elles?
paquetage
paquetage de bois
que je ficelle
ficelle de chanvre
ficelle de matelassière
trouvée dans le chai
ficelle abandonnée
mort survenue
de la matelassière
plaisir à enserrer
tirer nouer
nouer nouer nouer
faire des noeuds
et en corps des noeuds
les uns sur les autres
le geste est là
compulsif presque
fil synthétique
en droite ligne d’un cordage de pêche
section coupée
par nécessité
par la main de l’homme
arrachée peut-être
par le frottement sur la roche
fil synthétique
double du chanvre
paquetage
paquetage de bois
le métal rouillé
vient parfois se loger
sur les bois
entre les bois
collé ficelé
métal rouillé
des ports
ports de pêche
des ports
chantier naval
là où on répare
les avaries
petites ou grandes avaries
de celles qui causent du souci
de celles qui ont failli
faire perdre la vie
paquetage
paquetage de bois
accrochés pendus suspendus
ficelle cordelette fil invisible
petites foules
éparpillées
se verront-elles?
se parleront-elles?
petites foules grandissantes
ou resteront-elles seules avec elle-même
ignorantes de l’inconnu
refus de l’inconnu.
accrochés pendus suspendus
morceaux d’un même
sur le point d’éclater
miroir brisé
brillance perdue
perdu dans le monde
sans amour
errance en vue.
accrochés pendus suspendus
morceaux d’un futur
qui ne peuvent s’ assembler
schize effrayante
qui va à tous sens
délire tout proche
ficelle tu les retiens
tu les enchaînes
il faut que ça tienne
que ça tienne
avant que la mort vivante survienne.
IC juillet 2018
impromptu n°8
petite foule
la foule
la petite foule
pourquoi.
peut-être
peinture de Nicolas de Staël
à Saint Paul de Vence
Fondation Maeght
3 silhouettes de femmes
non en fait elles sont 2
peinture haute en couleurs
femmes statiques
comme l’a voulu le peintre
FIGURES 1953
pour moi
je les vois
s’éloigner vers le loin
silhouettes vibrantes
puissance de ces femmes
ces femmes s’éloignent
ces femmes me touchent
comme une mère
dans cette image
que j’ai dans la tête
depuis l’âge de 13 ans
séparation tristesse
je vois une mère de dos
elle s’éloigne
c’est l’été
jupe droite blanche
veste légère corail
ses cheveux noirs
en catogan
puissance de cette femme
qui va « faire les courses »
pour ceux qui sont encore à la maison
je suis triste
je voudrais être avec elle.
« la petite foule »
texte de Christine Angot.
c’est de dire « petite foule » que j’aime
plaisir de bouche
« petite foule »
sans plus.
alors petite foule
à un
à trois
à quelques uns
à quelques unes plutôt
quelques femmes qui s’agitent
équilibre instable
se frappent la tête parfois
femmes portant leur enfant
allant je ne sais où
groupe qui tourne en rond
sur la toile
à grandes enjambées
la bouche ouverte
voire en cri
les bras volent en l’air
des bouts circulent
groupe qui va
on ne sait où
silhouettes migratoires
ou pas
serrées les unes contres les autres
elles vont
s’éloignent ou viennent
vers l’oeil qui regarde.
IC juillet 2018
impromptu n°6